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Derrière le Paravent Suèdois
24 mai 2006

J’aurais voulu être un artiste…

«Finalement, j’aurais préféré jouer dans des films de Spielberg. Sincèrement, je vous assure…». L’homme a une cinquantaine d’années, face à la caméra, cadré serré. Suit un long silence de plusieurs secondes. Le rythme du documentaire s’est ralenti.  De l’amusant, du coquin et du croustillant on bascule progressivement vers la misère humaine, le désert de l’existence…

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C’est ça, la magie du câble. Surtout à partir de 23 h, la deuxième partie de soirée comme disent les programmateurs. Avant-hier soir, hasard du zapping, atterrissage sur Planète Choc, chaîne documentaire dont la spécialité de deuxième partie de soirée, donc, est le documentaire trash, gore, sexe et X.

52 minutes sur le destin de Ron Jeremy. Oui, ce type de vie, c’est un destin. Les Dieux ont gâté ce jeune homme de deux dons : un bagout et un sens de la comédie hors du commun et un sexe aux dimensions particulièrement généreuses… Au début des années 70, il vit à New York, tente sa chance à droite et à gauche, cachetonne dans de vagues séries TV. C’est dur, il galère, ce n’est pas très original.

Et puis un jour par hasard (oui, c’est toujours par hasard, j’ai vu de la lumière dans le Sex Shop, alors, je suis rentré, par hasard, je vous jure…), par hasard, donc, il atterrit, comme moi sur ce documentaire un mardi à 23H18, sur le set d’un film érotico porno. Là, c’est la révélation. Surtout pour le réalisateur et le producteur, lorsque Ron baisse son pantalon et assure comme une bête.

Le «grand» Ron Jeremy débute ainsi sa carrière. Il va devenir la plus grande « star» du cinéma X de toute l’histoire. Pourquoi ? En premier lieu, il va «jouer» (parce qu’à l’époque, il y avait de vraies scènes de comédies, avec dialogues, costumes, décors, mouvement de caméra aussi, vrais extérieurs, seconds rôles habillés, etc .) dans les grands classiques du X, aujourd’hui réédités dans des coffrets collector trouvables n’importe où, comme Gorge Profonde (le pitch et la réalisation sont à hurler de rire…). Et souvenir ému de mes premiers pornos matés en douce…

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Outre son appendice, Ron a un physique très particulier : gros, moustachu et velu. Très velu. De ce paradoxe, alors que les autres acteurs X sont de plus en plus glabres (en fait tout est rasé maintenant et bien lisse…), abdos tablette chocolat travaillés à la gonflette et huilés, il va générer un capital sympathie très fort. Les filles l’adorent et les hommes s’amusent de voir ce type ordinaire stakhanoviste de la partie de jambe en l’air. Normal, il rassure. Si ce gros lard, auquel on peut s’identifier (au pire) ou se dire que l’on est mieux que lui (en général), baise à tour de bras, alors  tout est possible, cela ne gène plus trop, plus de «jalousie»… On en oublierait presque la taille de sa trompe…

ronjeremy

Ron Jeremy a alors su et réussi à faire quelques escapades hors du circuit X. Il a eu quelques rôles dans des séries, des apparitions dans des films B et Z et des thrillers. Bon, rien de glorieux. Juste suffisant pour amuser la galerie, être un bon client pour les talk shows, des sketchs dans les émissions de variétés et animer des amphis dans des facs. Hélas…

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Hélas. On a beau avoir connu l’intimité très intime de plus de 4000 femmes, être doté de certains talents (Ron est reconnu dans la profession pour être un virtuose de certaines caresses ou exploits techniques dont le compte à rebours…), être toujours aussi vaillant sur les plateaux à la cinquantaine… N’empêche, ce métier vous broie littéralement.

Plan de Ron tournant en rond dans une salle d’attente. Tous les mois c’est le même rituel : la prise de sang. Le documentaire bascule. Du montage d’extraits montrables de films X, de prestations de guignol sur les TV, d’interviews de starlettes siliconées bronzées parlant de la douceur de l’artiste et leurs émois, on vire à des plans serrés, des interviews actuelles… et des silences.

Ron est gras, gros, se traîne, râle contre ces starlettes qui gagnent plus que lui, Hollywood qui se fout de sa gueule, le X lui collant à la peau comme un préservatif… Ron va voir l’infirmière. Le test est en cours. Il fanfaronne 3 minutes et finit par lâcher que tous les mois c’est un stress épouvantable. En 35 ans de carrière, il n’a pourtant jamais rien eu…  Ce mois-ci, c’est encore bon. HIV négatif.

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«Je n’ai aimé qu’une femme». Ron conduit sa voiture pour rejoindre son appartement bordélique. Transit au milieu de cartons. Il ne supporte pas de rester seul. Alors il oublie dans les soirées, les night-clubs, un tournage par-ci par-là, drague tout ce qui passe, des photos… Fuite en avant.

Ron parle de sa femme, actrice de X rencontrée sur un plateau.  Ils tournent ensemble plusieurs fois, c’est une star de l’époque. Elle décide d’arrêter. Peur, amour ? Lui n’y arrive pas. Le couple part en vrille. Ils se séparent. Elle se marie avec un businessman, a un enfant et se range.

Il y a un an, Ron la croise par hasard à New York. «Nous avons pris un verre ensemble. J’étais troublé. Elle m’a donné son numéro de téléphone. Je suis rentré à Los Angeles. Je l’ai appelée. Elle m’avait donné un faux numéro. Disparue…»

Plan serré de Ron au volant. Long silence…

Misère et tristesse du porno. Ça se passe sur le câble, un mardi à 23h57.

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  HeatWave - Car Wash
Un grand standard de la disco 70…

 

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