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Derrière le Paravent Suèdois
2 mars 2006

De quels droits ?

Je télécharge un ou deux albums par semaine. Sur Solarseek, une solution peer-to-peer pour Mac. Il paraît que c’est illégal. Voire immoral. Ah ?

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En ce moment je suis Rolling Stones. Les vieux, genres Their Satanic Majesties Request, Let it Bleed ou Sticky Fingers.

L’autre jour, j’ai confessé ce petit délit de piratage au cours d’un déjeuner, et l’on m’a alors dit que ce n’était pas bien, immoral, que je tuais la création. Ah ? Je fais mon couillon, mais tout cela je le sais.

Mon directeur artistique, fondu de pop-rock comme moi, est venu à mon secours, en parlant des Rolling Stones. Les albums que j’ai chargés ont été enregistrés il y a plus de 30 ans, et autant que je sache, Mick, Keith, Charlie, Ron et Bill ne sont pas franchement dans le besoin. Ils se sont même salement embourgeoisés. Il paraît que les ventes des places pour certains de leurs concerts étaient réservées exclusivement aux porteurs de l’American Express. Eh ! Ça c’est la rock’n’roll attitude !

Le rock, c’est un truc de riche maintenant…

Zut, j’ai oublié Brian Jones ! Bah, oui, Il doit peut-être y avoir des cousins ou neveux qui, si cela se trouve, ne savent même pas lire un do sur une portée et qui touchent royalement sur les ventes des premiers albums vendus depuis 40 ans.

Là, normalement, comme une boîte d’intérim qui illustre actuellement son spot TV avec She’s A Rainbow, je devrais leur verser quelques euros. Vous savez, les droits…

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Ces fameux droits dont on nous bassine depuis quelques semaines avec le projet de loi visant à contrôler [ ]* sanctionner [ ]* réglementer [ ]* réguler [ ]* servir la soupe aux Majors [ ]* (*cochez la case de votre choix) le peer-to-peer et sauver la création artistique.

Je vais être clair : je n’ai rien contre les droits. Tout travail mérite un salaire ou une rémunération. Mais bon…

Les droits d’auteur ont été créés pour protéger les musiciens, écrivains, auteurs de pièces, etc. des industriels, éditeurs, maisons de disques, média, etc. et d’autres interprètes, musiciens, comédiens, etc. pour qu’ils ne reproduisent pas les œuvres n’importe comment (Plagiat) et gagner de l’argent dans leurs dos.

Est-ce qu’un internaute qui télécharge une chanson dans 99,99% des cas pour son usage personnel (À savoir, écouter) est alors un industriel ou un interprète ? Je vous laisse la réponse…

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La cassette audio a été inventée à la fin des années 60. Est-ce que l’industrie du disque s’est littéralement effondrée depuis ? Le CD audio est apparu au début des années 80, vite suivi par la cassette DAT. 20 ans que la duplication numérique existe. Ce procédé diabolique qui n’altère pas l’œuvre, puisque c’est aussi le grand argument qui est sorti. Et là, subitement, panique à bord !

30 ans que j’écoute assidûment du rock et de la pop. Et 30 ans que je copie allégrement en K7, puis CD, et maintenant mp3 des disques empruntés à des amis ou dans des bibliothèques. Comme des millions et des millions de gens le font depuis des lustres.

Et 30 ans également que j’achète des disques noirs et des CD. Et beaucoup de vieux trucs redécouverts grâce à Internet. 30 ans aussi, que je ne vois pas le prix des disques vraiment varier alors que les dépenses marketing et publicitaires des maisons de disques explosent. Doit-on rappeler qu’elles sont en France, avec les opérateurs téléphoniques, les premiers acheteurs d’espace pub TV ?

En 1999, quand le premier site de téléchargement Napster a ouvert, l’industrie mondiale du disque culminait à 44 milliards de dollars de business, contre 30 milliards en 1998. Plus de 35 % de progression ! Et avant et en même temps combien de centaines de milliards de K7 audios enregistrées et de CD dupliqués dans le monde ? Probablement beaucoup plus que de mp3 téléchargés depuis…

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Maintenant on nous brandit les droits d’auteurs en péril, menacés par le peer-to-peer. Et par conséquent, la fin de la création ! Mais de qui se moque-t-on ?

On me parle de morale. OK pour verser ses fameux droits, mais sous réserve que cela reste décent et moral. Car à brandir cet argument, les pouvoirs publics (et les maisons de disques) se plantent pour 2 raisons :

D’une part, la nature même des droits qui, si on y regarde d’un peu plus prêt, est devenu finalement un système philosophiquement immoral et anti-créatif. Je vais y venir.

D’autre part, la perte sur les droits est le mauvais argument avancé par les pouvoirs publics qui finalement se mêlent à tort, une fois de plus, d’affaires d’industriels privés. (Quand je dis une fois de plus, je pense à la fusion SUEZ GDF d’un comique sans nom, d’un protectionnisme chauvin de la part de pouvoirs publics et politiques qui l’an dernier, rappelons-le, nous ont exhorté à dire oui à un référendum. Fin de parenthèse).

C’est un problème d’industriels et rien d’autre. Et en aucun cas de survie de création comme on s’ingénie à nous le faire croire. Les majors (Universal et 2 ou 3 autres, appelons un chat un chat) chient dans leurs frocs en ce moment parce que leur business baisse et que les actionnaires font la gueule. Paraît-il qu’il se vend moins de disques ! Paraît-il que c’est la faute du peer-to-peer. Ah ?

Alors qu’il pourrait leur venir l’idée de se poser d’autres questions. Du style : 20 euros pour un CD avec 2 chansons potables et le reste à chier, finalement, est-ce un bon produit ? Est-il toujours indispensable de tourner un vidéo-clip à 1 million d’euros ? Et puis 20 euros, ce n’est pas un peu cher ?

Et puis au lieu de pleurnicher, s’ils avaient réfléchi un peu, moins méprisé d’autres métiers, moins cavalé au retour sur investissement là-tout-de-suite, ils auraient moins loupés de trains. Le père Messier, même s’il jouait trop au nabab, peut-être qu’il avait raison le con, avec sa «convergence des contenus et des contenants». Hein ? Universal ? Steve Jobs, il vous a bien eus avec i-tune ! Souvenez-vous, les «rêves» Internet de Messier que tout l’establishment s’est empressé de flinguer. (J’apprends ce matin que Vivendi Universal ne va s’appeler que Videndi, pour, je cite, tourner la page.).

Et nous sortir maintenant l’argument des droits qui ne représentent que des queues de cerises sur la vente d’un CD, là, oui, c’est indécent. Sachant que les droits tombent par ailleurs sur les ventes de CD vierges, de K7, les passages radio, dans les magasins, les pubs, les rééditions de compilations à tour de bras qui sont tout, sauf de la création…

Messieurs des maisons de disques, le marché bouge comme dans n’importe quel business. Alors, faites travailler vos méninges, faites du vrai marketing, pas la sempiternelle recette musique formatée FM+clip+spot TV ! Prenez des risques au lieu de toujours miser sur les mêmes chevaux !

Et cessez de venir pleurnicher auprès des pouvoirs publics, cesser de les enfumer avec ce discours sur les droits d’auteur. Car il met précisément en lumière son aspect philosophiquement immoral et anti-créatif.  Et là, franchement cela donne envie de télécharger à tour de bras ! J’avais dit que j’y viendrais. J’y suis.

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Le 15 janvier 2003, la Cour suprême américaine a rendu un arrêt "Eldred contre Ashcroft" par lequel elle confirme la prolongation de vingt ans de la durée légale des droits d’auteur, décidée par le Congrès, en 1998. Ça c’est l’exemple typique du jugement qui finit de rendre «puants» ces fameux droits.

De quoi s’agit-il ? de Mickey tout simplement. Disney au milieu des années 90 à dépenser des fortunes en avocats pour faire modifier les lois sur les copyrights et en corollaire les droits, parce que la petite souris allait bientôt tomber dans le domaine public. Ils ont gagné. Les droits vont jusqu’à 70 ans après la mort du créateur.

Ça veut dire quoi ? Que Disney, au lieu de dépenser de l’argent pour créer de nouveaux personnages, qui à leur tour seraient devenus des pompes à frics, à préférer prolonger la vie d’une souris. C’est ça les droits pour «protéger et favoriser la création» ?

Alors de quels droits moral et philosophique admettrait-on, au point d’en faire des lois, de verser à des gens pendant 70 ans sur le boulot de leur grand-père ou arrière grand-père ? Sans le moindre travail de leur part ?

Je fais mon pisse-vinaigre ? Oui. Et je vais être plus clair avec une petite histoire.

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Un homme est ingénieur dans une société. Il invente un produit ce qui aussi un acte de création. Les produits sont fabriqués et vendus. Et sa société gagne des fortunes. Va-t-il toucher de l’argent sur la vente des produits ? Ou plutôt est-ce qu’une loi va obliger son patron à lui faire un chèque de «droits» ? Et aux descendants de cet ingénieur pendant 70 ans après sa mort ? NON.

Et comme je suis aussi un entrepreneur capitaliste, je vous raconte la même histoire du côté du patron de mon ingénieur.

L’ingénieur a inventé un super produit qui va cartonner, c’est sûr. Alors il faut que le patron le protège, contre le plagiat (Le concept de base les droits d’auteur, on est d’accord ?…). Est-ce qu’il y a une loi qui oblige systématiquement un plagieur à faire un chèque au patron ? NON. Sauf s’il prouve qu’il y a plagiat et pour cela il faut déposer un brevet. Primo, ça coûte une fortune, si on veut se protéger un peu plus loin que la France (Mondialisation oblige) et secundo, c’est très limité dans le temps (20 ans, de mémoire). Après, c’est le domaine public illico. Sans appel. Parce que cela nuit à l’avancée et aux progrès de la science (authentique).

Les inventeurs du Sudoku n’ont pas fait suffisamment de dépôts. Demain, si je veux, je peux imprimer et vendre des grilles de ce jeu qui n’a à peine que quelques années…

Pour info, déposer une œuvre pour un auteur, cela ne coûte que quelques euros.

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Mick Jagger et Keith Richard ont probablement encore une espérance de vie de 20/25 ans. Les droits des chansons des Rolling Stones seront donc probablement versables aux héritiers des héritiers jusqu’en 2100…

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L'argent n'a pas d'idées, seules les idées font de l'argent.
Jacques Séguéla.

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She’s A Rainbow from Their Satanic Majesties Request Rolling Stones – 1967.

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Commentaires
I
Éric > yeap !!
E
Tu as la pêche,on dirait.
Derrière le Paravent Suèdois
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