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Derrière le Paravent Suèdois
25 mai 2009

La Civilisation du Rien (ou plutôt Société…)

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Soyons clairs : je n'ai rien contre l'Internet. Je lui trouve des vertus fantastiques de communication multiformes (texte, image, son et vidéo, pour ne citaient que ses 4 grands modes de formalisation), un moyen de recherche d'informations extraordinaire (même si il faut faire le tri…), un outil de communication, d'expression, de rencontre, parfois d'amitié et voire plus… J'en suis un bon consommateur, même si ce soir j'étais tiraillé entre écrire cette note ou me mettre devant un bon dvd. J'ai préféré écrire car cette Civilisation du Rien que j'ai lancée comme ça, est un exercice intellectuel auquel je me livre depuis quelques temps. De quoi s'agit-il ?

Je parlerai plutôt de Société du Rien. Le Rien c'est quoi alors ? Bah, c'est simple c'est quand tout à disparu, tout du moins dans le monde réel. Un peu comme dans Matrix, quoi…

Plus sérieusement, c'est cette disparition de la Chose (je n'ai pas trouvé d'autres mots) qui s'installe par petites touches, microscopiques pas toujours palpables et qui rejaillissent d'un coup dans notre vie quotidienne, et pas toujours de façon agréable.

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Je vais vous raconter un truc et peut-être vous vous direz, imposture tu charries. Je me lance.

Avant d'être artisan en réclame, j'ai débuté ma carrière professionnelle à EDF comme ingénieur au service de calcul des pylônes. Mon job était de faire des plans pour des modifications de pylônes. Un jour je reçois une demande pour un raccord de ligne sur des pylônes dans les Alpes. Ces pylônes datés de la fin des années 40. Personne n'avaient les plans. Sauf un seul ingénieur dans tout EDF en France. Les plans n'étaient pas tout à fait les bons par rapport aux vrais pylônes plantés dans la montagne. On a donc fait un bricolage. C'était en 1985.

Toute la France est remplie de ces vieux pylônes qui ont parfois plus de 70 ans. L'ingénieur en question était presque à la retraite. Quand il est parti on a mis tous ses plans dans un placard. J'ose espérer que l'on a fait un peu de classement et des duplis. Le métro a plus de 100 ans et chaque jour on peste sur des retards ; et les fameux caténaires de la SNCF ont parfois plus de 50 ans… Je dis ça, je dis rien.

Seulement voilà, entre nous, dire à un jeune, tu vas faire des études de mécanique et tu pourras aller à EDF pour dessiner ou entretenir des pylônes qui datent du temps de ton arrière grand père, que même les boulons il y a peu de chance que tu les trouves chez Casto, vous croyez que ça va le faire bander ?

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Guy Debord dans sa Société du Spectacle parle du passage de l'être à l'avoir, puis au paraître. De la production de masse, nous sommes passés à la consommation avec l'exigence de créer des besoins, les fabriquer et les entretenir. Cela c'est traduit par un glissement des cursus des élites. Les Centraliens, les X et les Ponts on laissé la place aux HEC et aux gens de marketing. Puis les financiers sont entrés en piste. Ingénieurs, commerciaux, puis comptables : trois générations successives de managers et de «gouvernants» des économies. Passage de la matière à transformer en objet, puis de l'objet aux concepts, puis des concepts aux dividendes. Avec mise en route de la dématérialisation de la nature de l'entreprise, de son objet, de la Chose. Ainsi, n'a-t-on pas vu une gigantesque entreprise de distribution d'eaux devenir en quelques mois un géant éphémère de la télévision, du cinéma, de la musique et de la communication ?

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Les communications sont les reflets et les transformateurs de nos sociétés. L'Internet est une centrifugeuse complémentaire de cette dématérialisation. Bon nombre de nos actes quotidiens n'ont plus de formes physiques : commandes, factures, relevés de banque, transactions, courriers, CV, etc. Pis, il y a une de prime à cette génération du Rien… Le Rien grignote ainsi le réel, tandis que l'être, qui selon Debord avait disparu, se reconstitue sur le virtuel.

Être sur l'Internet est un état ("tu viens, on passe à table ? Attends, j'arrive je suis sur Internet…"), être est un moyen de s'exprimer (blog, pages persos, etc), être est un moyen de communiquer (email, msn, twitter, etc.) et donc d'être une projection dans le réel.

On a maintenant son double Internet. Ainsi le pseudo qui était alors du registre du paraître, a laissé place à sa véritable identité. On EST sur Internet. À tel point qu'il faut faire attention. Un recruteur va googleliser votre nom et ainsi découvrir à droite et à gauche vos blagues sur Facebook, vos CV pouvant être contradictoires sur Viadeo ou un autre site, une photo malheureuse taguée, etc. Votre être virtuel devient alors une valeur. Au détriment parfois de la Chose réelle.

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C'est l'agglomérat invisible de ces petites dématérialisations des choses qui nous pousse dans la société du Rien. D'un point de vue économique, ce balancier vers le Rien est en route. Nos ne produisons quasiment plus rien (être par l'accomplissement du travail), nos entreprises se contentent de distribuer (avoir), nos médias mettent en scènes de l'irréel (le paraître éphémère de nouvelles Star sorties de rien…) et les activités de services sont présentées comme un pilier de notre avenir économique. Or un service par définition, ne produit rien.

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La question est alors de savoir si l'excès du Rien au détriment de la Chose créée de la richesse par et pour les individus, la collectivité et la société ?

Sachant que dans la Chose, il y a le savoir, la culture, des valeurs morales, spirituelles et intellectuelles. Et les rapports humains dans la vraie vie… Mais ça, c'est une autre histoire.

chers_ecoliers

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Commentaires
I
Nekkonezumi > j'apprends des trucs diiinnngues. Et auteur du bon tabac en plus…<br /> <br /> iSub's > de branche ? mais le p'tit oiseau y va tomber…<br /> <br /> Mae > bah,heu… tout ceci n'est qu'un blog. Du Rien…<br /> <br /> Anna > Pas grave, prenez votre temps…
A
J'ai beaucoup de choses à dire sur cette note, que je trouve très bien. Et pourtant, rien ne sort...<br /> Ca résume un peu la situation non ;)
M
(Je me doutais que tu aurais repris ton blog...)<br /> <br /> Tu sais, il y a encore beaucoup (enfin, moins maintenant grâce à Goodyear)d'ouvriers qui travaillent en usine et ont matériellement la perception de leur ouvrage.<br /> <br /> Vendre du vent, c'est à la mode mais je ne suis pas sûre que ça touche la majorité, loin s'en faut.<br /> <br /> Pour ce qui est de ta définition de la "chose" et ton rapport à cette abstraction, c'est un point de vue. Il ne tient qu'à nous de nous sentir plus concrets. Et de prendre une distance respectable avec le virtuel.<br /> <br /> Ca peut paraître con, mais inspecter les limites physiques de son propre corps, ses capacités, est en fait la meilleure "chose" pour s'équilibrer par rapport à soi-même et aux autres...<br /> <br /> Bref, nous savons à quel point la perception du réel diffère chez chacun, et peut éloigner les êtres...<br /> <br /> Pour faire court: je ne crois pas en "rien".*sourire*<br /> <br /> Je t'embrasse fort
I
•<br /> Super.<br /> Y'a pas à dire. Ton fond de Twit'r est trotro chouette !!!<br /> T'as bien la gueule d'un acteur. Penses-y si un jour tu veux changer de branche ^^)<br /> •
N
Je préférais "Le mot et la chose", moi !<br /> (http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mot_et_la_Chose_(Lattaignant) ... quand les curés étaient autres choses que des sous-papes de protection)
Derrière le Paravent Suèdois
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