La Civilisation du Rien (Cui-cui)
Mais où allons-nous comme ça ?
Ça y est, c’est plus fort que moi, j’ai cédé aux sirènes du dernier gadget Internet, j’ai nommé Twitter. Grosso modo c’est un énième moyen de communication entre internautes. J’aime bien ce mot «internautes». A-t-on parlé de télégraphonautes ? de téléphonautes ? Non. Ah, j’entends au fond «télévisionautes ?» Et bien non, pour la simple raison que l’Internet n’est pas un média, mais un moyen de communication. Nuance…
Et précisément Twitter, qui n’existe que grâce et par l’Internet et ses technologies, n’est qu’un moyen de communication entre personnes. Mais attention, un truc de fou ! Je peux prévenir d’un coup toutes mes relations de ce que je fais à n'importe quel moment. Je me promène et tombe sur un truc dingue en vitrine? j’ai reçu le dernier téléphone avec grille-pain intégré de LG? j’ai croisé George Clooney à Cannes? ou je vais faire pipi? Un petit SMS de 140 signes maxi (parce qu’en plus je peux le faire depuis mon iPhone) et hop ! tout le monde est au courant. Chouette.
C’est marrant, parce que quand l’Internet n’existait pas, est-ce que l’on vivait moins bien de ne pas pouvoir prévenir instantanément 127 personnes (dont généralement on ne connaît pas les trois quarts en vrai) d’avoir acheté la dernière paire de Converse signée Truc ou d’annoncer qu’on a le nez bouché ?
Cette surmultiplication des moyens de communication qui se veulent aux services des fameux réseaux sociaux contribue une fois de plus à cette Civilisation du Rien.
Revenons sur Twitter. J'y suis depuis une petite semaine. Je n’ai rien payé. Manifestement, c’est le dernier truc branché et des milliers de milliers de personnes sont inscrites. J’ai aussi téléchargé la version pour mon iPhone sans verser un euro. Sur ma page Twitter, j’ai installé une photo qui est donc sur un serveur Twitter. Allez me voir, pour l’instant je n’ai que moins de 10 follow-machin-trucs, mais c’est déjà une diarrhée de messages dont 99 % n’ont strictement aucun intérêt. Pas un gramme de publicité dans cette histoire. Et pas un seul email depuis de la part de Twitter ou un partenaire pour me vendre je ne sais quoi. Autrement dit, pas la moindre trace de l'ébauche d'un possible flux financier. Je pose donc une question simple : comment est financé ce bazar ? qui paie ces serveurs qui seront à termes encombrés de milliards de «textos» - même si ils ne pèsent que 140 signes – de photos et la bande passante qui va avec et sera de plus en plus nécessaire ?
Facebook ne génère pas un centime de résultat, Dailymotion annonce un chiffre d’affaire de 21 M€, autrement dit que dalle, Myspace est en chute, et là on nous sort un truc a priori gratuit de chez gratuit…
Quant aux réseaux sociaux, de social, ils n’en ont que le nom. Sur mon profil Facebook, j’ai une centaine d’amis. A-t-on dans la vraie vie 100 amis ? Amis au sens noble et réel de terme ? ceux qui sont là certes aux bons moments, mais surtout quand on en a besoin : maladie, divorce, décès…
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La loi Hadopi a été votée. Cette loi est une connerie dans son intention et dans son dispositif répressif. Si effectivement la vente des disque chute en France, les entrées dans les salles de cinéma, en revanche se sont jamais aussi bien portées. Alors designer le téléchargement comme un danger pour le disque ET le cinéma constitue une accusation totalement gratuite et contradictoire. D’autant plus - je me base sur des articles et notes lus à droite et à gauche - qu’il n’existe aucune étude démontrant par a+b que le téléchargement est l’unique responsable de la chute des ventes de disque. Au contraire - mais là aussi aucune étude rigoureuse, juste des observations - , les téléchargeurs réguliers sont les premiers acheteurs de CD. Je fais partie de cette catégorie : je télécharge des trucs totalement introuvables en CD – les maisons de disques ont abandonné la réédition de catalogues entiers – ou des chansons d’artistes qui ont vendu des millions d’albums et sont donc largement à l’abri du besoin ET j’achète des CD et des DVD. Surtout des DVD. Parce que j’aime ça. Et d’imaginer que les Universal et compagnie via le législateur me considèrent comme un voyou m’agace prodigieusement.
Mais là n’est pas le vrai débat. C’est toute l’économie de l’Internet qui est totalement artificielle, utopiste qui table sur des flux de je ne sais quoi sous le prétexte que nous sommes des milliards branchés sur le réseau.
J’espère me tromper, mais je pense que nous allons vers un nouveau crash financier du Web 2.0, car une fois de plus on donne à un simple moyen de communication des vertus et une puissance économiques qu’il n'a pas et ne peut pas avoir.
Lors de l’invention du téléphone a-t-on fait autre chose que de facturer les communications ? A-t-on imaginé des modèles où le téléphone serait gratuit et financé par des tiers ? Non. Comme avant on l'avait pas fait pour le sémaphore, le télégraphe, le telex ou le télégramme. Je ne simplifie pas car «l’internaute» n’a pas d’autre rapport avec l’Internet que celui du moyen de communication et éventuellement d’information.
Et Twitter, inexorable phénomène de mode à la mort certaine annoncée, en est la démonstration du jour.
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