La Civilisation du Rien (2)
Bah oui, pourquoi continuer à écrire sur un blog qui de toutes les façons est condamné à disparaître ?
Mes premiers contacts avec l'informatique remontent à environ 25 ans. De ces contacts, ou plutôt de ce que j'ai créé, imaginé et programmé - truc genre jeu de casse-briques où la raquette était formée de signes «_» côte à côte, la balle représentée par un «o» et les briques dessinées avec des «M» - que reste-t-il ? Rien. Dans le meilleur des cas, un listing jauni et une archive du fichier sur une disquette Floppy. Quelle belle affaire ! Imaginons qu'on trouve un lecteur de Floppy. Rien que le brancher et le faire tourner par un PC ou un Mac relèvera de l'exploit. Ensuite il faudra trouver un compilateur Fortran IV pour rendre exécutable le programme. Bref du truc de geek de chez geek !!!
Caricatural l'exemple ? Prenons en un autre qui va éclairer le sens de ma pensée.
La France a finalement inventé le concept des sites Internet, des messageries et des sites de culs. Si ! Si… Souvenez-vous de ce machin qui trônait dans nos salons au milieu des années 80 :
Ou puis-je maintenant consulter 3615 ULLA qui sponsorisait le film de nichons du dimanche soir sur M6 ? À part des émulations sur des sites spécialisés pour nostalgiques de ces pages Minitel aussi sexy que les premiers essais de mon fiston sur son Télécran…
Je poursuis ?
Que reste-t-il des wagons de pages persos du début de l'Internet pondues par des pionniers du HTLM ? Des adresses url fantômes qui pointent sur des disques encombrés chez Lycos (par exemple…) sur lesquelles nous tombons au hasard d'une requête Google. La souris vous glisse des mains devant tant de créativité graphique et je glisse sur le contenu. Sauf que Lycos, qui n'est pas une entreprise caritative et encore moins le musée du web, finira bien un jour par débrancher ses disques et ces pages disparaîtront à tout jamais.
Les pages persos 1.0 victimes du web 2.0. ?
Nous y voilà.
Que reste-t-il de visible, de palpable, consultable et de lisible sans interface, traducteur, émulateur ou matériel et installation compliqués de tout de ce qui a été écrit, dessiné, échangé sur les pages Minitel, puis les pages du Web 1.0 ? Paradoxe de la disparition virtuelle. Les révolutions du virtuel ne laissent aucune trace.
Un dessin reste sur une feuille de papier. Une photo, même numérique, survivra peut être sur un tirage papier, et un enregistrement sonore sur une K7, un CD ou un lecteur mp3. Quant aux écrits ils ont encore les livres…
Oui, finalement mon ego m'incline plus à m'efforcer d'écrire des bouquins qui resteront quelques jours sur une étagère de la Fnac et surtout dans les bibliothèques des lecteurs, de mes amis, ma famille, mes enfants et, qui sait, mes petits enfants…
Cette dématérialisation intrinsèque des blogs, des pages Facebook, des magasins et médias online, mais aussi des relevés de comptes, de la correspondance, des réservations d'avions et de trains, des factures…, qui obéit à des idées louables comme la rapidité des échanges, la convivialité, l'économie de timbres, de papier et donc la protection de l'environnement, nous conduit à un rien général.
Dans mes projets littéraires j'ai un roman qui raconte une panne totale et générale d'électricité, «La Panne» (j'en ai publié temporairement quelques pages ici). En quelques jours la situation devient catastrophique pour ne pas dire apocalyptique. L'électricité, l'Internet, l'informatique et par corollaire la dématérialisation de presque tout sont les responsables des malheurs des protagonistes de cette fiction.
Fiction ?
Pas tant que ça. Depuis une petite dizaine d'années j'ai le loisir – si j'ose… - d'observer des séries de comportements et de situations du quotidien ou à l'échelle de la collectivité que me poussent à penser que nous avons basculé dans la Civilisation du Rien.
Certains de ces comportements ou situations sont caricaturaux, presque comiques, et d'autres sont à pleurer tellement on a atteint des sommets de débilité et d'irresponsabilité. Quant à savoir où nous conduit cette Civilisation du Rien ? Dans le mur ou vers de profondes mutations de la société et de l'être humain… Je me garderai bien de répondre.
Finalement, je vais continuer à écrire un peu ici.
Vu que c'est rien…
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