Un bon plan
Ce midi, autour de divers mezzés dans notre Libanais en face de l'agence (le plus vieux de Paris, je précise), discussion cinématographique qui arrive sur un sujet technique : le plan-séquence. Débat entre Obiwan et moi sur les meilleurs plans-séquences de l'histoire.
Reprenons.
Obiwan ? Eh oui fidèles lecteurs de 20six qui passeraient ici par hasard, Obiwan is back. Mais comme il n'y a plus de lecteurs 20six sur ce blog depuis belle lurette, pour les autres sachez qu'Obiwan est un ami photographe à Paris et que nous partageons une passion commune pour, dans l'ordre, les images, les femmes, le cinéma, les femmes, les sushis, les femmes et les sujets de discussions improbables, comme par exemple le plus beau plan-séquence du cinéma.
Le plan-séquence, je rappelle - je n'explique pas, je rappelle et donc je ne t'insulte pas fidèle lecteur à supposer la possibilité d'une hypothétique ignorance de cette figure de syntaxe du 7e art -, je rappelle, donc, consiste à filmer une séquence dans un film, d'un trait, sans arrêter la caméra. Un plan unique, d'où «plan-séquence». Comme son nom l'indiquait, suis-je bête.
Depuis l'invention du cinéma, le «jeu» est de faire le plan-séquence le plus long. Avec tout ce que cela suppose de complications lors du tournage. Imaginons un plan-séquence de 2 minutes, et que l'acteur foire sa réplique à la 116e seconde, soit 4 secondes avant la fin du dit plan. Que se passe-t-il ? Le producteur et le réalisateur font la gueule : pas besoin d'envoyer la pellicule au laboratoire, on la fout à la poubelle et on recommence tout. Si, comme nous le verrons plus loin, des éléments du décors doivent êtres cassés, cela devient ennuyeux (cher, voire très cher, en langage producteur).
Le plan-séquence a la vertu de plonger de manière spectaculaire le spectateur au cœur d'une action. Celle-ci est fluide, pas interrompue par le jeu du montage qui va alterner plans larges, champs, contre-champs, etc. Le plan-séquence a ce coté magique que l'on «est» vraiment dans le film. Cette sensation est d'autant plus accrue que la caméra va suivre les mouvements des personnages et leurs déplacements dans le décor, l'espace. Le plan-séquence est un moyen de narration prenant doublé de prouesses techniques : mouvements de caméras de plus en plus spectaculaires, évolution des éclairages, changements de décors par des passages successifs d'intérieurs en extérieurs, alternances de cadrages larges et serrés, multiplication des acteurs dans le plan, véhicules, avions, etc. Et tout ça, d'un trait, sans arrêter la caméra.
La liste des grands plans-séquences du cinéma est interminable, à commencer tout simplement par l'un des premiers film de l'histoire du cinéma : L'entrée en gare de Ciotat par les frères Lumière en 1895. Un seul plan de 40 secondes où l'on voit arriver cette fameuse locomotive à vapeur qui fit tant peur lors des premières projections. Pour la petite histoire, c'est à un opérateur des frères Lumière, Alexandre Promio, que l'on doit un des premiers travelling : une caméra posée sur un gondole à Venise filmant la lagune. À partir là, on s'est lâché grave, le plus agité dans le genre étant Abel Gance qui aurait balancer en l'air des caméras sur le tournage de Napoléon en 1925 pour "avoir le point de vue" des boulets de canons. Fin de digression…
Reprenons.
Tim Robbins, Player à Hollywood, ouvre son courrier anonyme…
Pour ma part ma préférence va, à ce jour, au plan-séquence d'ouverture du film de Robert Altman, The Player. Ce chef d'œuvre sorti en 1992 raconte l'histoire d'un player, Griffin Mill, un de ces jeunes requins des studios dont le métier et de décider ou non de la naissance d'un film. Griffin reçoit matin, midi et soir des scénaristes. L'auteur d'un scénario qu'il a recalé lui fait du chantage et cela tourne mal… J'avais publié il y a quelques temps sur ce blog, cette fameuse séquence de 7 ou 8 minutes absolument ahurissante des points de vue direction d'acteurs et de la technique, mais comme j'ai la flemme de fouiller dans les 600 posts de ce blog, je vous invite à cliquer ICI (mais revenez, je n'ai pas fini, j'ai plus fort à vous montrer).
Ayé, vous êtes revenus ? Pas mal hein ? En préparant ce post, j'ai découvert que ce plan est un hommage à la Soif du Mal d'Orson Welles. J'ai vu ce film il y a longtemps, et je me souviens de son aspect tarantinesque. Oui, ok, Tarantino s'en est peut être inspiré… Cela prouve surtout qu'Orson Welles est vraiment un des plus grands génie visionnaire du cinoche. Mais là, je dérive c'est un autre sujet…
Pour finir ce post cinématographique, voici ce fameux plan-séquence d'ouverture de la Soif du Mal qui date de 1958. Bien entendu, à l'époque point de Louma, Steadycam et autres caméras commandées par ordinateurs et truffées d'amortisseurs en tout genre (En le revoyant, je pense à un plan de Jacky Brown…). Magie :
Et comme vous avez été sages et patients, je vous propose en dessert un plan-séquence de «furieux», un truc de barges, lui fait à la Steadycam et digne d'un jeu sur PlayStation. L'ont-ils tourné 2 fois 3 fois ? Cela a dû être chaud sur le plateau, le méga plateau… Accrochez-vous, c'est énorme (les 4 premières minutes, après il y a un changement de plan…) :
The Protector de Tom Yum Goong - 2005
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