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Derrière le Paravent Suèdois
12 août 2008

Un bon plan

Ce midi, autour de divers mezzés dans notre Libanais en face de l'agence (le plus vieux de Paris, je précise), discussion cinématographique qui arrive sur un sujet technique : le plan-séquence. Débat entre Obiwan et moi sur les meilleurs plans-séquences de l'histoire.

Reprenons.

Obiwan ? Eh oui fidèles lecteurs de 20six qui passeraient ici par hasard, Obiwan is back. Mais comme il n'y a plus de lecteurs 20six sur ce blog depuis belle lurette, pour les autres sachez qu'Obiwan est un ami photographe à Paris et que nous partageons une passion commune pour, dans l'ordre, les images, les femmes, le cinéma, les femmes, les sushis, les femmes et les sujets de discussions improbables, comme par exemple le plus beau plan-séquence du cinéma.

Le plan-séquence,
je rappelle - je n'explique pas, je rappelle et donc je ne t'insulte pas fidèle lecteur à supposer la possibilité d'une hypothétique ignorance de cette figure de syntaxe du 7e art -, je rappelle, donc, consiste à filmer une séquence dans un film, d'un trait, sans arrêter la caméra. Un plan unique, d'où «plan-séquence». Comme son nom l'indiquait, suis-je bête.

Depuis l'invention du cinéma, le «jeu» est de faire le plan-séquence le plus long. Avec tout ce que cela suppose de complications lors du tournage. Imaginons un plan-séquence de 2 minutes, et que l'acteur foire sa réplique à la 116e seconde, soit 4 secondes avant la fin du dit plan. Que se passe-t-il ? Le producteur et le réalisateur font la gueule : pas besoin d'envoyer la pellicule au laboratoire, on la fout à la poubelle et on recommence tout. Si, comme nous le verrons plus loin, des éléments du décors doivent êtres cassés, cela devient ennuyeux (cher, voire très cher, en langage producteur).

Le plan-séquence a la vertu de plonger de manière spectaculaire le spectateur au cœur d'une action. Celle-ci est fluide, pas interrompue par le jeu du montage qui va alterner plans larges, champs, contre-champs, etc. Le plan-séquence a ce coté magique que l'on «est» vraiment dans le film. Cette sensation est d'autant plus accrue que la caméra va suivre les mouvements des personnages et leurs déplacements dans le décor, l'espace. Le plan-séquence est un moyen de narration prenant doublé de prouesses techniques : mouvements de caméras de plus en plus spectaculaires, évolution des éclairages, changements de décors par des passages successifs d'intérieurs en extérieurs, alternances de cadrages larges et serrés, multiplication des acteurs dans le plan, véhicules, avions, etc. Et tout ça, d'un trait, sans arrêter la caméra.

La liste des grands plans-séquences du cinéma est interminable, à commencer tout simplement par l'un des premiers film de l'histoire du cinéma : L'entrée en gare de Ciotat par les frères Lumière en 1895. Un seul plan de 40 secondes où l'on voit arriver cette fameuse locomotive à vapeur qui fit tant peur lors des premières projections. Pour la petite histoire, c'est à un opérateur des frères Lumière, Alexandre Promio, que l'on doit un des premiers travelling : une caméra posée sur un gondole à Venise filmant la lagune. À partir là, on s'est lâché grave, le plus agité dans le genre étant Abel Gance qui aurait balancer en l'air des caméras sur le tournage de Napoléon en 1925 pour "avoir le point de vue" des boulets de canons. Fin de digression…

Reprenons.

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Tim Robbins, Player à Hollywood, ouvre son courrier anonyme…

Pour ma part ma préférence va, à ce jour, au plan-séquence d'ouverture du film de Robert Altman, The Player. Ce chef d'œuvre sorti en 1992 raconte l'histoire d'un player, Griffin Mill, un de ces jeunes requins des studios dont le métier et de décider ou non de la naissance d'un film. Griffin reçoit matin, midi et soir des scénaristes. L'auteur d'un scénario qu'il a recalé lui fait du chantage et cela tourne mal… J'avais publié il y a quelques temps sur ce blog, cette fameuse séquence de 7 ou 8 minutes absolument ahurissante des points de vue direction d'acteurs et de la technique, mais comme j'ai la flemme de fouiller dans les 600 posts de ce blog, je vous invite à cliquer ICI (mais revenez, je n'ai pas fini, j'ai plus fort à vous montrer).

Ayé, vous êtes revenus ? Pas mal hein ? En préparant ce post, j'ai découvert que ce plan est un hommage à la Soif du Mal d'Orson Welles. J'ai vu ce film il y a longtemps, et je me souviens de son aspect tarantinesque. Oui, ok, Tarantino s'en est peut être inspiré… Cela prouve surtout qu'Orson Welles est vraiment un des plus grands génie visionnaire du cinoche. Mais là, je dérive c'est un autre sujet…

Pour finir ce post cinématographique, voici ce fameux plan-séquence d'ouverture de la Soif du Mal qui date de 1958. Bien entendu, à l'époque point de Louma, Steadycam et autres caméras commandées par ordinateurs et truffées d'amortisseurs en tout genre (En le revoyant, je pense à un plan de Jacky Brown…). Magie :

Et comme vous avez été sages et patients, je vous propose en dessert un plan-séquence de «furieux», un truc de barges, lui fait à la Steadycam et digne d'un jeu sur PlayStation. L'ont-ils tourné 2 fois 3 fois ? Cela a dû être chaud sur le plateau, le méga plateau… Accrochez-vous, c'est énorme  (les 4 premières minutes, après il y a un changement de plan…) :

The Protector de Tom Yum Goong - 2005
•••

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Commentaires
E
concernant le plus long plan séquence de l'histoire, si mes sources et ma mémoire sont bonnes, était détenu par Tarkovski dans "Le Sacrifice" mais son disciple Alexandre Sokurov à réalisé un film en un seul plan séquence, il s'agit de "L'Arche russe" tourné dans le musée de l'Ermitage. Il explique son choix, qui n'avait pas pour but de battre un record, mais qui s'imposait pour des raisons pratique, dans la page consacrée à ce film sur allocine
M
Ouais j'ai vu ça après coup en cherchant sur le net pour voir s'il existait d'autres plan séquence sympa. Dans irreversible aussi parait que c'est un faux plan séquence...je me souviens plus, faut dire que je l'ai pas vu en entier, j'ai laché l'affaire un peu après la scène du viol.<br /> je savais pas que la durée d'un plan était limité à cause de la quantité de pellicule dans la caméra. <br /> Oui je crois que je me souviens "la corde", faudrait qu'un jour je me refasse les Hitchcock, j'ai vu tout ça il y a trop longtemps.<br /> Le numérique fait perdre un peu de charme c'est sûr. le plan séquence,par exemple y perd de sa valeur artistique. Mais on doit bien y gagner quelque part. <br /> après pour les difficultés de mise scène et de direction d'acteur...ça leur fera la bite un peu lol
I
PERSÉPHONE > Tombée du lit ?? Non le titre n'est pas obligatoire, je préfère même quand il n'y en a pas, ça fait moins désordre dans la maquette. Vivi, je suis très chiant dans la tenue de ce blog fin et délicat. <br /> Bah oui, The Player… Le must ! Cela dit il y en a d'autres de pas mal. Là, tout de suite je pense à celui dans Kill Bill 1 quand Uma arrive dans la boite de nuit au Japon, la caméra démarre derrière les rockeuses barges, monte en l'air, vole dans les couloirs, slalome dans les chiottes, suit Uma (bon là, ok, il y a un cadrages « raccord »), grimpe les escaliers, etc. Sur Wiki, il y a un bon article sur le plan-séquence avec une sélection assez sympa. Itou sur Youtube, ou il y a quelques collectionneurs de plans-séquences…
I
MARIEAUNET > Merci pour tes commentaires. <br /> Moi non plus je ne connaissais pas The Protector. J'ai découvert ce plan en préparant ce post. J'ai pas trop fouillé sur ce film, j'ai juste trouvé sa fiche sur imdb. <br /> Effectivement la séquence d'ouverture du film de Brian de Palma est un long plan-séquence (13 minutes), mais c'est un «faux» plan-séquence. Il faut savoir que techniquement on ne peut pas filmer indéfiniment. Il y a une limite physique qui est donnée par le magasin contenant la pellicule sur la caméra : une douzaine de minutes. L'astuce pour prolonger l'effet plan-séquence consiste à faire des cadrages «raccord». Revisionne la séquence du de Palma et tu verras qu'il passe de temps en temps devant un poteau ou un mur qui occupe tout l'écran. À ce moment on arrête la caméra, on recharge le magasin et on reprend. À la projection on a la continuité du mouvement d'où l'impression d'un plan unique. Le plus bel exemple de cette astuce est le film d'Alfred Hitchcock, La Corde (1948) qui est formé d'un enchaînement de 8 plans-séquences tournés dans un appartement, d'où un film en «un» seul plan. Aujourd'hui avec les caméras numériques il n'y a plus vraiment de limites (2 heures si on veut…), mais des problèmes incroyables de mise en scène et de direction de comédiens se posent. Est-ce le but du cinéma de faire des choses aussi complexes ?
P
ah c'est marrant, avant même de lire la suite, quand j'ai lu plan séquence, j'ai tout de suite pensé à the player... c'est juste incroyable tellement cette scène est fluide et parfaite... et puis bon, Tim Robbins quoi!
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