Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Derrière le Paravent Suèdois
16 juin 2007

Kill Bill 0,5

18766087

Je suis un fan de Tarantino depuis la première heure, le sublime Reservoir Dogs. Maintenant être fan, comme en amour, cela peut-il rendre aveugle ? Non.

- + -

Reprenons. Death Proof (Boulevard de la mort) est le cinquième long métrage (je compte pour un les deux Kill Bill) de Quentin Tarantino. Pour mémoire on y ajoutera deux courts, son premier film My Best Friend's Birthday (1987) et The Man From Hollywood dans le film collectif Fours  Rooms (1995) jamais sorti en salle en France (les deux sont visibles sur Youtube).

Le cinéma de Tarantino repose sur des schémas ou plutôt des obsessions : une forte imprégnation des cultures populaires des années 60 et 70 (cinéma et musique) et le choix d'histoires qui conduisent inexorablement à un ou plusieurs moments de violence plus ou moins crue, des truands ou des tueurs se flingant, ou un simple garçon d'étage coupant un doigt (Four Rooms).

18755083

Death Proof s'inscrit totalement dans le schéma conceptuel de Tarantino. Et comme à chaque fois, il pousse le bouchon un peu plus loin dans cette sublimation de la culture populaire. Comme si il voulait immobiliser le temps, le bloquer sur un cinéma de série B ou Z des années 70. Techniquement, dans cette sublimation, Death Proof frise le chef d'œuvre. Inter-titre avant le film, générique du début dans la forme et le fond détaillé comme cela ne fait plus depuis belle lurette (je pense à la mention du procédé couleur et de la pellicule…), copie artificiellement rayée, rajout dans la bande son du bruit du projecteur, changement des bobines raté avec décalage de la bande son et reprise deux fois de suite des mêmes plans, défaut de synchronisation, erreurs de raccord dignes des plus mauvais nanars (Kurt Russel boit son soda ou mange selon les champs contre champs…). Bref un régal. Mais juste un régal de cinéphile.

- + -

Et c'est là le drame de Death Proof. Si Tarantino atteint une quasi perfection dans une forme de maniérisme des années 70, c'est en y mettant toute son énergie car il en dépense beaucoup moins pour l'histoire. Bien qu'elle réponde aux critères du film de série, à savoir tenir sur un post-it, elle est indigente et par son écriture tarantinesque devient frustrante.

L'écriture tarantinesque amène des collections de personnages qui vont se croiser à un moment ou un autre, dans le passé ou le futur. Pulp Fiction ou Kill Bill sont de véritables Bescherelle de ce style. Une écriture qui se caractérise par un science extraordinaire du dialogue qui permet de remplir l'espace, l'image et de nourrir l'intrigue même si les propos qui y sont tenus n'apportent rien à son déroulement, hormis donner de l'épaisseur à des personnages y compris ceux qui seront butés deux plans plus loin. La discussion entre Vincent Vega (John Travolta) et Jules Winnfield (Samuel Jackson) sur la taille des hamburgers Mc Do à travers le monde dans Pulp Fiction est un bijou du genre qui devrait être étudiée dans toutes les écoles de cinéma (si ce n'est pas déjà fait…).

18755082

Pourtant Death Proof n'échappe pas à cette règle tarantinesque. Les vingt premières minutes du film nous offrent un florilège de discussions entre nanas, particulièrement pétillantes. La pression monte doucement, et comme dans tous ses films, Tarantino atteint le climax de la violence en trois plans répétés. répétés. répétés. Chocs de métal et de chair, simulacre d'acte sexuel, presque pornographique dans sa crudité, cette séquence marque l'apothéose de film. Hélas, il reste encore trois quarts d'heure.

18755081

Tarantino s'autocite, nous ressort le shérif de Kill Bill et diverses références à ce film. On espère un rebondissement, l'arrivée d'un autre personnage qui va faire basculer la suite d'une intrigue que l'on devine immédiatement. Peine perdue. Le film ralentit, et les scènes de dialogues sont presque ennuyeuses. Techniquement le film devient «propre», le son plus précis, la stéréo plus volumineuse, plus ample, l'image nette et soignée. À l'écoute du bruit lourd des moteurs et face à la couleur des routes désertiques et poussiéreuses on pense alors au premier Mad Max. Le vrai.

Le film s'embarque dans la plus longue poursuite de bagnoles de toute l'histoire du ciné. Soit. Mais je préfère encore celle de Bullit.

- + -

Le cinéma de Tarantino emprunte simultanément 2 voies, celle de la forme exacerbée et celle du scénario à tiroir. pour Death Proof, la seconde voie est clairement épuisée. Tarantino aurait-il fait le tour de son sujet, ces tranches de vies américaines entre voyous et paumés scotchés aux années 60, 70 ? Tarantino a annoncé qu'il allait enfin tourner son film de guerre Inglorious Bastards.

18736661

Pour terminer, à la décharge de Tarantino, Death Proof est un film orphelin. À l'origine Death Proof est un des 2 volets d'un programme unique, Grind House, projeté en une seule fois et d'une durée de 3 heures, avec entracte et fausses pubs ringardes des années 70. Le second volet est Planet Terror signé Roberto Rodriguez. Sa sortie est annoncé pour septembre. Je peux me tromper, mais je pense que 3 heures de nanars enfilées cela passerait mieux. Les distributeurs, après le flop américain de ce diptyque en ont décidé autrement. Dommage.


- + -

Publicité
Commentaires
Derrière le Paravent Suèdois
Publicité
Archives
Publicité