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Derrière le Paravent Suèdois
21 mars 2006

Le buffet en formica.

Dimanche soir, sur Arte, j’ai vu un remarquable documentaire sur Brownie Wise. Cette femme extraordinaire, simple secrétaire à l’origine, a révolutionné le marketing  dans les années 50. C’est elle qui a inventé purement et simplement le principe des ventes à domicile, l’idée de rendre un produit exclusif à ce canal de distribution. Le marketing du rare et du buzz avant l’invention de l’Internet et du PC…

Brownie Wise rencontre au début des années 50, Monsieur Tupper, lui explique que ses petites boîtes sont géniales, qu’elle se fait fort de ne les vendre que par bouche-à-oreille, via des réunions de femmes et qu’il doit abandonner la distribution classique. Tupper dit banco et crée une société de commercialisation rien que pour elle en Floride.

Brownie Wise libère les femmes, en fait des femmes d’affaires, des ambassadrices de la marque. L’aventure est fantastique ! Le siège en Floride est un Tupperwareland et les séminaires réunissant les vendeuses sont grandioses. Brownie Wise et Tupperware ne font qu’un, elle est sa voix, son étendard. Les ventes s’envolent…

Mais Tupper est toujours le boss et l’unique actionnaire. Les propositions de rachat affluent. Comment alors vendre une boîte dont le business et l’âme repose sur une personne ? Les relations entre Tupper et Wise se dégradent. Tupper demande des comptes sur la filiale de Floride et n’apprécie plus le succès de Brownie.

Brownie n’est qu’une simple salariée et n’a pas de contrat. Tupper n’a pas besoin d’un CPE et débarque Brownie du jour au lendemain en lui faisant un chèque ridicule. Brownie Wise tente de relancer une autre affaire de cosmétiques selon le même concept de vente et essaie de débaucher les ambassadrices Tupperware.

Tupper se révèle alors homme de communication de crise. Au cours du premier séminaire sans Brownie Wise il prend les devants. Il fait distribuer à toutes les ambassadrices les pubs de la nouvelle société de Brownie et leur explique qu’il comprend, qu’elle sont libres et qu’elles peuvent partir. Pas une ambassadrice ne quitte la salle.

Ce jour-là, la marque Tupperware est plus forte que Brownie Wise.

Tupper vendra son affaire 150 000 000 de dollars et achètera une île au large de Cuba. Il est mort au début des années 80.  Brownie Wise fermera son affaire de cosmétique au bout d’un an et disparaîtra. Elle est décédée en 1992.

- + -

Cette histoire pourrait faire un très bon film, ambiance american way of life des années 50. Du coup j’ai repensé à mon buffet en formica, un blog sur des objets de mon enfance que je tenais sur 20six. Et comme je venais juste d’en parler à P., alors, va pour une rediffusion…

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Les esquimaux.

Je ne me souviens plus exactement, si c’était en 1971 ou 1972.
Enfin, c’était le début des années 70. Une période magique à comparer du marasme actuel.

Quand on a une dizaine d’années, on ne réalise pas forcément très bien, on a d’autres préoccupations que le cours du baril de pétrole… L’économie allait bien, pas pour longtemps. Mon père avait perdu son travail à la suite de la fermeture de son entreprise, une grande marque de chocolats. Je me souviens qu’il changeait de job comme de chemises. C’était une époque où l’on pouvait se payer le luxe de quitter une boîte parce qu’on n’aimait pas l’ambiance, la gueule du patron ou la couleur de la moquette. Mon père a été successivement commercial chez un cartonnier, publicitaire, vendeur d’appartements dans une station de sports d’hiver, pour finalement atterrir dans la distribution…

Pendant ce temps-là, maman était à la maison à s’occuper de ma sœur et moi. Et comme bon nombre de femmes au foyer à cette époque, ma mère fut entraînée dans des réunions secrètes entre femmes. Des réunions, où une démonstratrice venait présenter un produit extraordinaire qui allait révolutionner les cuisines pour des décennies et des décennies. La secte Tupperware venait de frapper notre foyer.

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Il est vrai que ces boîtes aux formes rectangulaires et aux couleurs pastel présentaient un avantage extraordinaire : elles signaient la mort partielle du papier d’aluminium. Avouez que l’intérieur d’un frigo avec ces belles boîtes alignées, cela avait un plus d’allure que des assiettes ou des bols vaguement fermés avec des bouts d’alu. En plus cela sentait moins… Euh, façon de parler. Car la fermeture de la boîte Tupperware nécessitait un tour de main. Il fallait bien appuyer sur le couvercle, en le tenant par le petit bout, pour chasser l’air. En fait on fermait une première fois, puis on soulevait le coin en appuyant, pfff, l’air s’échappait. Enfin, on fait toujours ça. Je n’ai pas toujours compris cette histoire de pfff, parce que, de l’air, il en reste toujours dans la boîte Tupperware, et donc autant de bactéries qui vont se développer avec joie. Parce que c’était ça la surprise des boîtes Tupperware, et ça l’est toujours… : la boîte qu’on oublie dans frigo. Elle est plus ou moins opaque, le couvercle ne laisse rien voir, on ne sait plus ce qu’il y avait dedans, et quand on l’ouvre, oulala !!! ça fouette, généralement, ça forme un truc compact avec moisissures en option, qui pue ensuite dans la poubelle et quant à la boîte, on arrive vaguement à la récupérer ou alors elle passe aussi à la poubelle.

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Une des grandes joies des boîtes Tupperware, c’était le rangement. Les boîtes Tupperware ne se rangent pas. Ça fait partie du concept. Tout au mieux on arrivait à en mettre deux ou trois l’unes dans l’autres, mais après on se retrouvait avec des couvercles que l’on cherchait par la suite. Et, bien entendu, on ne trouvait jamais celui qu’il fallait. Donc on ressortait le papier d’aluminium.  Le problème est identique aujourd’hui. Sauf que le génie des ingénieurs Tupperware étant sans limites, ils ont inventé des formes de plus en plus inracontables, et le papier d’aluminium a été remplacé par le film plastique. Le film dont on ne trouve jamais le bout…

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On avait des boîtes carrées, rectangulaires, plates, hautes, des gobelets, des carafes, des trucs, des machins, des bidules… Puis un jour, ma mère a commandé les moules à esquimaux Tupperware. Le produit le plus révolutionnaire de cet été 1971 (ou 1972 …).

En ce début des seventies, il n’y avait pas Picard et ses 150 références en bâtonnets, esquimaux, cônes, sorbets, timbales, bûches, pousse-pousse, barres glacées, boules, crèmes, etc. Quand on avait envie d’un esquimau, on allait à l’Économat du coin, ou au Suma, et l’on achetait des Miko. Avec le kit moules à esquimaux Tupperware, les glaces à volonté allaient arriver à la maison.

Bon d’abord, ce n’était pas des glaces, mais plutôt des sorbets. Pour les parfums, on restait dans les basics fournis par les sirops de l’époque : orange, citron, fraise… Ensuite il fallait s’y prendre franchement à l’avance. Disons 24 heures, et il ne fallait pas que le freezer soit occupé par une boîte de poissons panés.

Et pas question de faire une glace-party avec des copains, parce que le kit était prévu pour 6 esquimaux : 2 pour mes parents, 2 pour ma sœur et moi, ça limitait à deux copains invités. Pour le rabe tintin ! Ensuite le grand moment était la dégustation. Vous remarquerez l’anneau qui termine le bâtonnet. Oui, on dirait comme un tire-bouchon. C’est exactement ça. Toute la technique de l’esquimau Tupperware, parce qu’il s’agit d’une marque à fort contenu technologique, c’était le démoulage. Ou plutôt le non-démoulage. L’anneau avec le bâtonnet vous restait alors entre les mains, le couvercle résistait, le freezer avait mal travaillé et cela coulait… Dans 3 cas sur 4 cela se terminait par terre ou à la cuillère dans une assiette.

De temps en temps sur les vides-grenier, je vois ces kits avec leurs moules en plastique jaunis, leurs couvercles pas très hygiéniques et leurs bâtonnets terminés par cet énorme anneau qui fait penser à celui d’une sucette de bébé… Généralement, les vendeurs s’en débarrassent pour un euro. Quoique sur ebay, j’en ai vus à 6 euros !

Finalement, je crois que ces glaces bricolées maison plairaient peut-être à mes enfants. 6 euros sur ebay ?… Bon… Je vais aller chez Picard.

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Note publiée en mai 2005 sur le blog Derrière le buffet en formica sur 20six.fr

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Commentaires
L
Je te comprends, j'ai eu du mal avec ma mise en page, et mes pages antérieures à janvier 2006 sont un peu sinistrées elles aussi. Les commentaires n'ont plus d'auteur. Je n'ai pas retrouvé toutes mes anciennes fonctions et j'évite de trop bidouiller la déco vu que j'ai déjà massacré 2 blogs martyrs (impossible de revenir en arrière quand on a fait une erreur).
I
la belle bleue > La rediff est juste un copier-coller de la note de 20six. Je ne suis pas assez bidouilleur pour transférer les commentaires. J'ai redébloqué ce vieux blog il n'y a pas très longtemps (le lien est dans les favoris de mon ancien paravent sur 20six), mais il est dans un triste état : les photos ont disparu et je ni eu le temps ni le courage de refaire la mise en page. <br /> 20six n'est qu'un dépotoire, et une boite à archives pour mes 2 vieux blogs. fin de l'histoire…
L
J'ai fait ma première visite chez le Buffet en Formica en commençant par une note sur les Tupperwares (cette note ?) et comme les commentaires n'ont pas suivi la rediffusion, j'en relaisse un ici. Voilà.
L
ma mère avait les mêmes lolll glace à l'eau en fait! bisous
Derrière le Paravent Suèdois
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